15/07/2022

"Faire perdurer l'émotion"

C’est à Emily Loizeau que nous devons la bande originale de La fabrique des pandémies.

A l’heure où « Rise », la chanson du générique du film sort sur les plateformes de streaming ce 15 juillet, Emily a accepté de répondre à quelques questions que nous sommes heureux de partager avec vous.

M2R films : Pourquoi cette collaboration vous a-t-elle tentée ?

Emily Loizeau : Je connais le travail de Marie-Monique Robin depuis longtemps, depuis son film sur Monsanto qui fut vraiment un choc pour moi. Évidement pour ce qu’il révélait, mais surtout pour le courage de Marie-Monique et pour sa façon de mener l’enquête. Je suis une grande admiratrice de son travail, de son engagement et de manière dont elle lui donne corps. J’étais très touchée et emballée à l’idée de travailler avec elle sur son prochain film. Je ne savais pas si entre ma tournée et la composition de deux autres bandes originales, j’allais trouver le temps, mais j’ai fait la place nécessaire à ce projet, c’était une réelle volonté de ma part. Voilà, c’est aussi simple que ça !

 

M2R films : Comment avez-vous abordé le thème du film, qu'a-t-il éveillé en vous ?

Emily Loizeau : Marie-Monique m’a envoyé une musique pour le générique de début mais elle ne m’a pas mis de références. Il s’agissait avant tout pour moi de m’emparer de cela avec ce que j’étais, là où j’en étais, où j’en suis musicalement en ce moment, ce que j’ai envie de faire, ce qui m’intéresse… mais d’arriver aussi à coller au film. Il m’a fascinée. Ce qui m’a le plus frappé, dès le début, -même si on le sait et que cela puisse sembler enfoncer une porte ouverte- et qui a surgi comme une évidence magique, c’est la manière dont la nature nous protège, cette intelligence hallucinante dont elle fait preuve et la façon dont elle est organisée. Tout est fait pour que chacun puisse vivre sereinement, ensemble, avec des barrières protégeant chacun des choses qui peuvent le mettre en danger. C’est fascinant à comprendre ! En rentrant dans ce film, dans le langage des scientifiques et de ce qu’ils nous racontent, on comprend à quel point tout, du plus petit au plus grand est un tout d’une intelligence subjuguante. C’est ce qui m’a beaucoup émue. C’est la première sensation que j’ai ressentie en regardant le film : comprendre comment ça fonctionne et voir ensuite comment notre intervention sur la nature, notre modernité, notre manière de prendre l’espace nous nuit à nous-même. Et puis il y a tout ce contexte de pandémie dans lequel nous sommes depuis deux ans maintenant qui était présent…

 

M2R films : Quels ont été les moteurs de votre inspiration ?

Emily Loizeau : J’ai du coup eu envie d’accompagner ces images de nature magnifique, au drone, dans la mangrove…, tout en les contrastant. Il me fallait aller chercher comment accompagner la poésie de tout cela et en même temps j’avais envie de contraster avec une grande modernité, d’être dans quelque chose de très contemporain, de parfois dur mais pas froid et d’assez précis. Comme le son assez rock dans lequel je peux être depuis quelques temps maintenant et dans le travail que je fais sur mon piano, sur les pédales d’effets que je mets dessus et dans le travail que j’accomplie avec Csaba Palotaï (guitariste) avec qui je collabore depuis près de 15 ans, en groupe mais aussi en binôme sur pas mal de choses. Fidèle acolyte qui a donc co-arrangé les morceaux avec moi, qui a participé grandement à cette B.O. On lui doit aussi beaucoup de ces sons justement très amples et à la fois, parfois, d’une certaine violence. Mon travail à consister à aller chercher quelque chose qui ne soit pas juste poétique ou discret mais qui prenne sa place, son ampleur et qui soit parfois rude, rugueux. C’est en ça que je dis plus rock… Ce n’est pas lisse, ça n’arrondie pas les angles…et il y a aussi quelque chose d’assez haletant dans ce film. Il y a des moments où on arrive dans un pays, c’est de l’ordre du voyage. Puis il y a la dimension plus de l’ordre de l’enquête, du mystère, de cette chose qu’on cherche à trouver, à comprendre, tout ce qui est énoncé au travers des laboratoires, des discours des scientifiques etc. Il y a ces deux mondes qui créent comme une tension. J’avais envie qu’on la ressente et j’ai imaginé depuis le départ qu’il y aurait un générique de fin qui se résolve, que cette tension se jette dans la mer à un moment donné et qu’elle soit dans une éclosion de « soyons debout », on ne va pas se laisser faire, on va agir, on peut faire quelque chose ! Je voulais qu’il y ait cette lumière-là à la fin. Donc voilà, mon instinct c’était qu’il fallait dérouler une tension tout du long. C’est arrivé progressivement, à force d’écouter Marie-Monique, ce qu’elle cherchait. Elle voulait qu’il y ait des choses inquiétantes… ce sont des mots aussi de Marie-Monique qui m’ont aiguillée. J’ai senti assez vite toute cette inquiétude, mais à la fin il y a des solutions qui s’expriment et Juliette Binoche qui dit « move your ass ! » … Se pose aussi la question de ce qu’on laisse sur un générique de fin, de ce qu’on lève dans le cœur des gens ? Si on ne les laisse pas bouleversés et avec l’envie de se lever, on n’a pas gagné. Le film fait déjà cela et il fallait que la musique apporte une petite surenchère au moment du générique. C’était ma mission à moi, faire perdurer cette émotion et cette envie de se lever au moment du générique de fin. C’est un peu comme cela que j’ai abordé les choses.

 

M2R Films : comment s'est déroulé le processus de création ?

 

Emily Loizeau : j’ai commencé à travailler avec des images du film car je ne peux pas écrire dans le vide, d’autant que c’était très minuté. Il faut que la musique se termine au quart de seconde près et que ce soit une fin crédible pour chaque séquence et elles sont nombreuses. Il y a de la musique quasiment tout au long du film. A cela se sont ajoutés ce que l’on appelait Marie-Monique et moi, « les regards animaux », tous ces moments de sound design (conception sonore) que j’ai réalisés en parallèle pour accompagner le regard des animaux dans le Muséum d’Histoire Naturelle puis issus des sublimes dessins de Valentine Plessy. C’était une composition parallèle, il y en avait ainsi deux qui s’entremêlaient : la musique puis le sound design qui allait accompagner l’apparition de ces animaux et leurs regards. Tout cela était extrêmement chronométré, j’ai travaillé à l’image. Puis le COVID a pas mal perturbé le tournage, cela est devenu très compliqué pour l’équipe. Quel courage ils ont eu de s’acharner et de continuer ! j’ai reçu toute une partie du film assez vite, ce qui m’a permis d’avancer puis par la suite les séquences arrivaient au fur et à mesure des tournages, ce qui a créé un petit tunnel, un fil tendu où il fallait écrire au fur et à mesure de la réception des images, de leur montage, tout en voyant la dead line arriver ! On était ainsi tous portés par un fil tendu, ce qui a contribué à mettre la musique dans cette tension. C’est une création qui s’est faite dans un délai plutôt court et non-stop. Du coup chaque composition était un peu la suite de la précédente. Avec beaucoup d’allers-retours : j’envoyais la musique à mon guitariste qui me renvoyait des séquences de guitare posées dessus ou de rythmique que je faisais suivre à Marie-Monique qui réagissait, on ajustait… Beaucoup d’échanges ainsi en triangulaire.

 

 

M2R Films : Comment s'inscrit cette "aventure" dans votre parcours artistique ?

Emily Loizeau : Dans un sens, c’est une forme de continuité avec ce que j’ai pu faire précédemment. Je ne sais si Marie-Monique avait entendu parler ou pu écouter mon dernier album Icare au moment où elle m’a demandé de collaborer. C’est un disque que j’ai écrit pendant le premier confinement et qui parle de thèmes, d’enjeux que l’on retrouve dans le film. C’est un disque qui invite à se lever ! Cette collaboration me permettait donc de continuer un peu à dérouler ce fil, à la fois dans le propos et musicalement. Par ailleurs, j’adore travailler à l’image et pour une commande. Cela me donne l’opportunité de continuer à creuser un sillon mais de manière différente, en m’appuyant sur l’imaginaire ou la construction narrative de quelqu’un d’autre. C’est aussi une ouverture offerte pour sortir de son prisme et aborder autrement, ici en l’occurrence, une thématique dont je me sens si proche. C’est très inspirant et cela invite à écrire des choses qu’on n’écrirait pas forcément ou différemment, notamment beaucoup de créations instrumentales. J’en écris mais je n’en aurais peut-être jamais écrit autant… C’est pour moi un travail très complémentaire de l’écriture de chansons et j’y prends beaucoup de plaisir.

 

M2R Films : Quelques mots en particulier sur "Rise" ?

Emily Loizeau : Les choses se sont tellement faîtes au fil du temps et assez rapidement que nous n’avions pas prémédité le fait que ce serait bien de sortir la chanson en même temps que le film, mais à présent que la demande est forte, nous sommes ravis ! Elle sera disponible le 15 juillet 2022 et comme je le disais, c’est une chanson qui s’inscrit vraiment dans une continuité de tout un propos que j’ai essayé de questionner dans mon précédent album et de ce qui me bouleverse : ne pas se mettre la tête dans le sable et nier l’état dans lequel est le monde, tenter de parler simplement des belles choses mais sans rien nier de la noirceur actuelle car je pense qu’on est poreux à ça. Il faut en tirer quelque chose qui nous donne envie d’être vivant, de dire qu’on l’est, d’être dans une certaine lumière, qu’il y a des choses à faire et que nos enfants auront des choses à faire. Je crois que c’est un peu notre devoir en tant qu’artiste, nous sommes des conteurs. Les histoires qu’on nous raconte sur ce que nous sommes, que nous serions une société basée sur les fondements mêmes de la nature humaine, c’est-à-dire égoïste avec l’instinct de propriété, individualiste, qui a besoin de consommer pour exister, toutes ces choses-là qui font qu’à un moment on ne peut pas faire autrement et que donc « allons-y gaiement » ! Je pense que ce sont des histoires qu’on nous raconte depuis trop longtemps et qu’on a besoin d’en entendre d’autres qui ne sont pas moins vraies ou moins ancrées dans la nature humaine ! Et c’est à nous, en tant qu’artistes, à notre petite échelle, à la fois de rêver cela, de se permettre d’être idéalistes mais aussi d’inscrire des possibles et peut-être de changer un peu la manière de penser des gens. Je crois qu’on est tous de plus en plus poreux à ce qui nous arrive et à ce qui nous attend. Ce sont ces enjeux, ceux de notre société qui m’obsèdent, qu’ils soient migratoires, écologiques ou sociaux. J’ai envie d’en faire quelque chose, des histoires poétiques et des élans de vie et cette chanson s’inscrit là-dedans. Il y avait pour moi une évidence dans le film, qu’il lui fallait cela et que la lumière de Juliette (Binoche) et ce qu’elle propose à la fin, donnent envie de ça en fait, de lever le poing, de se lever de son siège, d’où ce mot : « rise » !...




 

 

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Entretien avec Émily Loizeau, compositrice du film

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C’est à Emily Loizeau que nous devons la bande originale de La fabrique des pandémies.

A l’heure où « Rise », la chanson du générique du film sort sur les plateformes de streaming ce 15 juillet, Emily a accepté de répondre à quelques questions que nous sommes heureux de partager avec vous.

M2R films : Pourquoi cette collaboration vous a-t-elle tentée ?

Emily Loizeau : Je connais le travail de Marie-Monique Robin depuis longtemps, depuis son film sur Monsanto qui fut vraiment un choc pour moi. Évidement pour ce qu’il révélait, mais surtout pour le courage de Marie-Monique et pour sa façon de mener l’enquête. Je suis une grande admiratrice de son travail, de son engagement et de manière dont elle lui donne corps. J’étais très touchée et emballée à l’idée de travailler avec elle sur son prochain film. Je ne savais pas si entre ma tournée et la composition de deux autres bandes originales, j’allais trouver le temps, mais j’ai fait la place nécessaire à ce projet, c’était une réelle volonté de ma part. Voilà, c’est aussi simple que ça !

 

M2R films : Comment avez-vous abordé le thème du film, qu'a-t-il éveillé en vous ?

Emily Loizeau : Marie-Monique m’a envoyé une musique pour le générique de début mais elle ne m’a pas mis de références. Il s’agissait avant tout pour moi de m’emparer de cela avec ce que j’étais, là où j’en étais, où j’en suis musicalement en ce moment, ce que j’ai envie de faire, ce qui m’intéresse… mais d’arriver aussi à coller au film. Il m’a fascinée. Ce qui m’a le plus frappé, dès le début, -même si on le sait et que cela puisse sembler enfoncer une porte ouverte- et qui a surgi comme une évidence magique, c’est la manière dont la nature nous protège, cette intelligence hallucinante dont elle fait preuve et la façon dont elle est organisée. Tout est fait pour que chacun puisse vivre sereinement, ensemble, avec des barrières protégeant chacun des choses qui peuvent le mettre en danger. C’est fascinant à comprendre ! En rentrant dans ce film, dans le langage des scientifiques et de ce qu’ils nous racontent, on comprend à quel point tout, du plus petit au plus grand est un tout d’une intelligence subjuguante. C’est ce qui m’a beaucoup émue. C’est la première sensation que j’ai ressentie en regardant le film : comprendre comment ça fonctionne et voir ensuite comment notre intervention sur la nature, notre modernité, notre manière de prendre l’espace nous nuit à nous-même. Et puis il y a tout ce contexte de pandémie dans lequel nous sommes depuis deux ans maintenant qui était présent…

 

M2R films : Quels ont été les moteurs de votre inspiration ?

Emily Loizeau : J’ai du coup eu envie d’accompagner ces images de nature magnifique, au drone, dans la mangrove…, tout en les contrastant. Il me fallait aller chercher comment accompagner la poésie de tout cela et en même temps j’avais envie de contraster avec une grande modernité, d’être dans quelque chose de très contemporain, de parfois dur mais pas froid et d’assez précis. Comme le son assez rock dans lequel je peux être depuis quelques temps maintenant et dans le travail que je fais sur mon piano, sur les pédales d’effets que je mets dessus et dans le travail que j’accomplie avec Csaba Palotaï (guitariste) avec qui je collabore depuis près de 15 ans, en groupe mais aussi en binôme sur pas mal de choses. Fidèle acolyte qui a donc co-arrangé les morceaux avec moi, qui a participé grandement à cette B.O. On lui doit aussi beaucoup de ces sons justement très amples et à la fois, parfois, d’une certaine violence. Mon travail à consister à aller chercher quelque chose qui ne soit pas juste poétique ou discret mais qui prenne sa place, son ampleur et qui soit parfois rude, rugueux. C’est en ça que je dis plus rock… Ce n’est pas lisse, ça n’arrondie pas les angles…et il y a aussi quelque chose d’assez haletant dans ce film. Il y a des moments où on arrive dans un pays, c’est de l’ordre du voyage. Puis il y a la dimension plus de l’ordre de l’enquête, du mystère, de cette chose qu’on cherche à trouver, à comprendre, tout ce qui est énoncé au travers des laboratoires, des discours des scientifiques etc. Il y a ces deux mondes qui créent comme une tension. J’avais envie qu’on la ressente et j’ai imaginé depuis le départ qu’il y aurait un générique de fin qui se résolve, que cette tension se jette dans la mer à un moment donné et qu’elle soit dans une éclosion de « soyons debout », on ne va pas se laisser faire, on va agir, on peut faire quelque chose ! Je voulais qu’il y ait cette lumière-là à la fin. Donc voilà, mon instinct c’était qu’il fallait dérouler une tension tout du long. C’est arrivé progressivement, à force d’écouter Marie-Monique, ce qu’elle cherchait. Elle voulait qu’il y ait des choses inquiétantes… ce sont des mots aussi de Marie-Monique qui m’ont aiguillée. J’ai senti assez vite toute cette inquiétude, mais à la fin il y a des solutions qui s’expriment et Juliette Binoche qui dit « move your ass ! » … Se pose aussi la question de ce qu’on laisse sur un générique de fin, de ce qu’on lève dans le cœur des gens ? Si on ne les laisse pas bouleversés et avec l’envie de se lever, on n’a pas gagné. Le film fait déjà cela et il fallait que la musique apporte une petite surenchère au moment du générique. C’était ma mission à moi, faire perdurer cette émotion et cette envie de se lever au moment du générique de fin. C’est un peu comme cela que j’ai abordé les choses.

 

M2R Films : comment s'est déroulé le processus de création ?

 

Emily Loizeau : j’ai commencé à travailler avec des images du film car je ne peux pas écrire dans le vide, d’autant que c’était très minuté. Il faut que la musique se termine au quart de seconde près et que ce soit une fin crédible pour chaque séquence et elles sont nombreuses. Il y a de la musique quasiment tout au long du film. A cela se sont ajoutés ce que l’on appelait Marie-Monique et moi, « les regards animaux », tous ces moments de sound design (conception sonore) que j’ai réalisés en parallèle pour accompagner le regard des animaux dans le Muséum d’Histoire Naturelle puis issus des sublimes dessins de Valentine Plessy. C’était une composition parallèle, il y en avait ainsi deux qui s’entremêlaient : la musique puis le sound design qui allait accompagner l’apparition de ces animaux et leurs regards. Tout cela était extrêmement chronométré, j’ai travaillé à l’image. Puis le COVID a pas mal perturbé le tournage, cela est devenu très compliqué pour l’équipe. Quel courage ils ont eu de s’acharner et de continuer ! j’ai reçu toute une partie du film assez vite, ce qui m’a permis d’avancer puis par la suite les séquences arrivaient au fur et à mesure des tournages, ce qui a créé un petit tunnel, un fil tendu où il fallait écrire au fur et à mesure de la réception des images, de leur montage, tout en voyant la dead line arriver ! On était ainsi tous portés par un fil tendu, ce qui a contribué à mettre la musique dans cette tension. C’est une création qui s’est faite dans un délai plutôt court et non-stop. Du coup chaque composition était un peu la suite de la précédente. Avec beaucoup d’allers-retours : j’envoyais la musique à mon guitariste qui me renvoyait des séquences de guitare posées dessus ou de rythmique que je faisais suivre à Marie-Monique qui réagissait, on ajustait… Beaucoup d’échanges ainsi en triangulaire.

 

 

M2R Films : Comment s'inscrit cette "aventure" dans votre parcours artistique ?

Emily Loizeau : Dans un sens, c’est une forme de continuité avec ce que j’ai pu faire précédemment. Je ne sais si Marie-Monique avait entendu parler ou pu écouter mon dernier album Icare au moment où elle m’a demandé de collaborer. C’est un disque que j’ai écrit pendant le premier confinement et qui parle de thèmes, d’enjeux que l’on retrouve dans le film. C’est un disque qui invite à se lever ! Cette collaboration me permettait donc de continuer un peu à dérouler ce fil, à la fois dans le propos et musicalement. Par ailleurs, j’adore travailler à l’image et pour une commande. Cela me donne l’opportunité de continuer à creuser un sillon mais de manière différente, en m’appuyant sur l’imaginaire ou la construction narrative de quelqu’un d’autre. C’est aussi une ouverture offerte pour sortir de son prisme et aborder autrement, ici en l’occurrence, une thématique dont je me sens si proche. C’est très inspirant et cela invite à écrire des choses qu’on n’écrirait pas forcément ou différemment, notamment beaucoup de créations instrumentales. J’en écris mais je n’en aurais peut-être jamais écrit autant… C’est pour moi un travail très complémentaire de l’écriture de chansons et j’y prends beaucoup de plaisir.

 

M2R Films : Quelques mots en particulier sur "Rise" ?

Emily Loizeau : Les choses se sont tellement faîtes au fil du temps et assez rapidement que nous n’avions pas prémédité le fait que ce serait bien de sortir la chanson en même temps que le film, mais à présent que la demande est forte, nous sommes ravis ! Elle sera disponible le 15 juillet 2022 et comme je le disais, c’est une chanson qui s’inscrit vraiment dans une continuité de tout un propos que j’ai essayé de questionner dans mon précédent album et de ce qui me bouleverse : ne pas se mettre la tête dans le sable et nier l’état dans lequel est le monde, tenter de parler simplement des belles choses mais sans rien nier de la noirceur actuelle car je pense qu’on est poreux à ça. Il faut en tirer quelque chose qui nous donne envie d’être vivant, de dire qu’on l’est, d’être dans une certaine lumière, qu’il y a des choses à faire et que nos enfants auront des choses à faire. Je crois que c’est un peu notre devoir en tant qu’artiste, nous sommes des conteurs. Les histoires qu’on nous raconte sur ce que nous sommes, que nous serions une société basée sur les fondements mêmes de la nature humaine, c’est-à-dire égoïste avec l’instinct de propriété, individualiste, qui a besoin de consommer pour exister, toutes ces choses-là qui font qu’à un moment on ne peut pas faire autrement et que donc « allons-y gaiement » ! Je pense que ce sont des histoires qu’on nous raconte depuis trop longtemps et qu’on a besoin d’en entendre d’autres qui ne sont pas moins vraies ou moins ancrées dans la nature humaine ! Et c’est à nous, en tant qu’artistes, à notre petite échelle, à la fois de rêver cela, de se permettre d’être idéalistes mais aussi d’inscrire des possibles et peut-être de changer un peu la manière de penser des gens. Je crois qu’on est tous de plus en plus poreux à ce qui nous arrive et à ce qui nous attend. Ce sont ces enjeux, ceux de notre société qui m’obsèdent, qu’ils soient migratoires, écologiques ou sociaux. J’ai envie d’en faire quelque chose, des histoires poétiques et des élans de vie et cette chanson s’inscrit là-dedans. Il y avait pour moi une évidence dans le film, qu’il lui fallait cela et que la lumière de Juliette (Binoche) et ce qu’elle propose à la fin, donnent envie de ça en fait, de lever le poing, de se lever de son siège, d’où ce mot : « rise » !...




 

 

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